texte de présentation de Sylvie Coutu historienne d’art , dans le cadre de la route des arts 2024
« Enseignant en arts plastiques et en ébénisterie à l’école secondaire d’Oka, Steve Riquier est actif dans le domaine des arts depuis plus de vingt-cinq ans. Ce bachelier de l’UQTR et fondateur d’un projet de motivation scolaire en fabrication de meuble et d’objets de bois, a développé en parallèle de sa carrière professionnelle , une démarche picturale qui se déploie principalement dans la peinture et la gravure. Son apport au domaine de l’estampe au Québec a d’ailleurs été reconnu, faisant de lui un finaliste au prix Albert-Dumouchel et le récipiendaire du prix et de la bourse Presse-papier en 2000
Ses œuvres abordent souvent des préoccupations contemporaines et universelles comme celle de la présence humaine et le défi d’évoluer en harmonie avec la nature et le territoire. Sa peinture aux allures paysagistes redéfinit toutefois les structures traditionnelles inhérentes à ce genre pictural. C’est plutôt par des perspectives aériennes allusives qu’il nous faut reconnaître les références géographiques. Souvent, des structures géométriques aux accents topographiques sont positionnées au début du processus créatif afin de rappeler le quadrillage arbitraire des lotissements ruraux . Puis , des rivières, des lacs ou d’autres tracés naturels se devinent à travers cette découpe objective imposée au lieu. L’inscription démographique quant à elle est notamment suggérée par l’accumulation de motifs graphiques en superposition. Ainsi , on y décèle au travers de ces surfaces chargées, des habitats réels ou imaginaires, matériels ou immatériels dans lesquels le passé a laissé des traces; la mémoire collective s’est constituées, le patrimoine culturel s’est subtilement écrits… Par cette proposition cartographique allégorique du terroir, Steve Riquier fouille ainsi les questions identitaires, d’appartenance et de façonnage de la territorialité. Il semble chercher à nous apaiser, à nous enraciner, à guérir les plaies de notre nomadisme identitaire. Son univers qui redéfinit les rapports intimes aux lieux se veut ainsi promesse d’espoir, de connexion et de lieu de transmission des générations.
En plus de soulever ces réflexions sur l’occupation du territoire et le récit dynamique de son évolution, le travail de Steve Riquier se démarque par la qualité technique dont il est le fruit. Ses œuvres réalisées à l’acrylique prennent avantage du support de bois que privilégie le peintre. Cette matière que cet artiste ébéniste chéri particulièrement , demeure toujours bien apparente et participe à l’évocation de son message séculaire. L’effet brute et rustique désiré est accentué par les effets de patine que le peintre crée à la surface de son tableau grâce à l’ application de cire d’abeille. On y reconnait ainsi l’aspect usé, vieilli des meubles anciens ayant traversé le temps. En plus de pochoirs lui servant à l’application occasionnelle de peinture en aérosol ou l’intégration d’objets rappelant les ready-made de Duchamp et la pratique des artistes du mouvement américain Néo-dada, l’artiste enrichie encore davantage l’aspect visuel de ses œuvres en recourant à la pyrogravure. Ce procédé consiste à creuser le bois à l’aide de pointes de métal chauffées qui brûle carrément la matière. Les interstices qui s’y inscrivent ainsi offrent , dans notre lecture aérienne du paysage , l’illusion de profonds sillons ondoyants. Ceux-ci contredisent l’organisation rationnelle du lieu initialement peinte tout en rappelant les processus géologiques et les reliefs qui modulent le tracé. »
— Sylvie Coutu M.A. historienne d’art et médiatrice culturelle , experte régionale MCCQ -